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Burundi : mort du président Pierre Nkurunziza, « guide suprême du patriotisme »

Le chef de l’Etat burundais est mort, lundi 8 juin, à 55 ans, après une hospitalisation dans le centre du pays.

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Publié le 09 juin 2020 à 22h20, modifié le 10 juin 2020 à 17h55

Temps de Lecture 3 min.

Le président du Burundi, Pierre Nkurunziza, ici à Bujumbura, en 2010, est décédé à 55 ans, le 8 juin.

Pierre Nkurunziza est-il le premier dirigeant à périr des suites du Covid-19 ? Selon le communiqué publié mardi 9 juin par la présidence du Burundi, le chef de l’Etat est mort, la veille, « à la suite d’un arrêt cardiaque », à l’âge de 55 ans.

L’annonce officielle explique que, dans la nuit du 6 au 7 juin, Pierre Nkurunziza s’est rendu à l’hôpital de Karuzi, dans le centre-est du pays, pour se faire soigner à la suite d’un malaise. Sa situation se serait améliorée dimanche mais « à la très grande surprise, dans l’avant-midi du lundi 8 juin, son état de santé a brusquement changé avec un arrêt cardiaque. (…) Malgré une prise en charge intense, continue et adaptée, l’équipe médicale n’a pas pu récupérer le patient. »

Un deuil national de sept jours a été décrété après l’annonce de la mort de celui qui s’était fait investir « guide suprême du patriotisme » en mars. De sérieuses interrogations surgissent sur les raisons de son décès car, dans les derniers jours de mai, l’épouse de Pierre Nkurunziza a été transférée vers le Kenya en avion médicalisé et était suspectée d’avoir contracté le Covid-19. Le gouvernement, qui avait prétendu que « la grâce divine » protégeait le Burundi de cette pandémie mondiale, a démenti.

Quand le monde entier vivait confiné, le Burundi votait, priait, jouait au football et déclarait même, le 14 mai, persona non grata quatre experts de l’Organisation mondiale de la santé, dont son représentant officiel à Bujumbura, centre économique et politique du pays. Dès lors, reconnaître que le président Nkurunziza a succombé à cette maladie reviendrait à admettre que la stratégie mise en œuvre a échoué. Pis, que les rassemblements organisés durant la campagne pour les élections générales, organisées le 20 mai, ont certainement contribué à propager le virus.

« Décès inattendu »

Ces scrutins ont également permis l’élection, sans surprise, du général Evariste Ndayishimiye, le candidat du Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD), le parti au pouvoir. Successeur non désigné par M. Nkurunziza, le nouvel élu devrait, désormais, avoir les mains plus libres pour mener à bien la politique qu’il entend.

« Ce décès inattendu pourrait accélérer le phénomène d’ouverture suggéré par l’élection d’Evariste Ndayishimiye et débloquer la situation », estime Christian Thibon, professeur à l’université de Pau et ancien directeur de l’Institut français de recherche en Afrique. Selon le calendrier établi, le général Ndayishimiye devrait en théorie attendre jusqu’au 20 août pour entrer en fonctions.

D’après l’article 121 de la Constitution, en cas de mort du président de la République en cours de mandat, « l’intérim est assuré par le président de l’Assemblée nationale ». Or, la fonction est actuellement occupée par Pascal Nyabenda, un proche de Pierre Nkurunziza et un dur du régime. Passé la période de deuil, des luttes sont à prévoir au sein du CNDD-FDD entre les partisans d’une réouverture vers l’extérieur et ceux tentés de maintenir la voie tracée par le défunt.

Fan de football et fervent évangélique

Chef rebelle avant de devenir chef d’Etat, fan de football qu’il pratiquait quotidiennement avec son club, le Haleluya Football Club, et fervent évangélique se plaisant à mélanger rassemblements politiques et prières publiques, Pierre Nkurunziza aura d’une certaine manière incarné le dévoiement d’une espérance.

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Enfant lors des massacres de 1972, lorsqu’une tentative d’insurrection menée par des soldats hutu (qui sont majoritaires au pays) fut violemment réprimée par l’armée (principalement tutsi) – environ 100 000 morts –, il entre en rébellion en 1995 après avoir échappé à un attentat à l’université de Bujumbura où il enseignait le sport. Il prend par la suite la tête du groupe d’insurgés le plus important du pays, le CNDD-FDD, et accède au pouvoir en 2005.

Après une guerre civile de près de dix ans et 300 000 morts, le Burundi expérimente alors un partage des responsabilités entre toutes les composantes ethniques du pays. L’accord signé à Arusha sous l’autorité du médiateur sud-africain Nelson Mandela prévoyait aussi que le président n’a droit « qu’à deux mandats ».

Tout cela, Pierre Nkurunziza tentera de le balayer en 2015 en imposant par la violence sa candidature pour un troisième quinquennat. L’esprit de l’accord de paix est mis à mal ; le président sortant est reconduit, mais le Burundi s’isole. Aux exactions commises par les Imbonerakure, les jeunes du parti au pouvoir, s’ajoutent la crise économique et la fuite de milliers de réfugiés burundais vers les pays voisins.

Sa mort inattendue redorera-t-elle son image ? Ses funérailles ne devraient attirer aucune personnalité de renom. Mais il sera intéressant d’observer si les participants se présentent le visage couvert ou s’ils adhérent à la croyance de Pierre Nkurunziza, selon laquelle « nous pouvons nous réunir sans masque, car Dieu purifie l’air ».

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