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Christian Boltanski, à la vie et à la mort

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Christian Boltanski au Grand Palais lors de son installation "Monumenta" en 2010.

Christian Boltanski au Grand Palais lors de son installation "Monumenta" en 2010.
© REUTERS/Benoit Tessier
interview Elisabeth Couturier , Mis à jour le

L’artiste contemporain, qui représente la France à la Biennale de Venise, interroge la fragilité de la condition humaine. Explications.

Paris Match. L’installation que vous présentez à la Biennale de ­Venise s’appelle “Chance”. Faut-il y voir un accès d’optimisme de votre part ?
Christian Boltanski. En anglais, le mot “chance” signifie hasard. Cette pièce repose sur l’idée du destin comme étant le fruit du hasard. Les croyants pensent que tout ce qui vous arrive a un sens. Les autres pensent que les événements sont purement ­fortuits.

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N’y avait-il pas déjà cette idée d’arbitraire dans votre installation au Grand Palais ?
Oui mais, cette fois, j’évoque le hasard de la naissance. J’ai réalisé une installation dans laquelle il y a une sorte de rotative de journal qui fait tourner des images de bébés polonais. Selon un programme aléatoire, que j’ai établi avec des mathématiciens, de temps à autre, le défilement s’arrête sur un bébé qu’ensuite on ne verra plus. En les regardant, on se demande forcément ce que la vie va réserver à chacun d’eux.

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Encore une œuvre dramatique ?
Pas tout à fait, car ces bébés, dans leur grande majorité, ont toutes les chances de s’en tirer. J’ai simplement mis en scène les aléas possibles de la vie. Et j’ai créé un moment de ­suspense en faisant retentir une ­sonnerie stridente, avant la sélection du bébé qui va disparaître.

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Ça donne froid dans le dos…
Rassurez-vous, j’ai aussi pris le mot “chance” dans son acception heureuse, en proposant un jeu au public. Dans une autre salle se trouve un écran faisant ­défiler des visages composites, certes un peu monstrueux : le front, le nez et la bouche appartiennent à des ­personnes différentes. Il y a 1,4 million de visages possibles ! Mais, après tout, notre visage n’est-il pas, lui aussi, une sorte de puzzle : on a tous, par exemple, le nez de sa grand-mère, les yeux de sa tante, la bouche de son père, etc.

Et alors ?
En appuyant sur un bouton, le ­visiteur peut faire un arrêt sur image et tomber, s’il a beaucoup de chance, sur un visage non composite. Si c’est le cas, il gagne l’œuvre ! Il y a une seule ­possibilité. C’est une sorte de loterie… comme la vie !

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Votre œuvre réactualise le thème du “Memento mori”. Est-ce un ­avertissement ?
J’ai trouvé un site qui calcule, chaque jour, le nombre de personnes qui naissent et le nombre de celles qui meurent. Il en naît plus qu’il n’en meurt. Cela soulève un problème philosophique important. Puisque notre ­naissance est un phénomène unique, chaque personne est irremplaçable. Or, on finit par être remplacé par la ­génération suivante. Et c’est tant mieux.

Etes-vous croyant ?
Sans être croyant, je m’intéresse beaucoup à la théologie. La religion chrétienne me passionne : Dieu s’étant fait homme, nous possédons une part divine. Mais, surtout, je constate que
les gens évitent de penser à la mort. La mort est une chose certaine. Elle fait partie de notre humanité. Le drame de notre société, c’est de ne pas vouloir en parler. Le fait d’y réfléchir, c’est l’accepter, et alors on se sent ­beaucoup mieux.

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