C’est tout à fait exact car les études de phase 3 des vaccins contre le Covid-19 continuent après leur autorisation, dite conditionnelle.
Pour le professeur Dogné, cela n’empêche cependant pas leur mise sur le marché dans un cadre strict, car "une partie importante des résultats a déjà été produite tant au niveau efficacité que sécurité". L’efficacité des vaccins qui ont reçu les autorisations a pu être démontrée contre les cas symptomatiques du coronavirus. L’expert détaille pour nous la façon dont la phase 3 se déroule :
- Les essais de phase 3 impliquent généralement des milliers de sujets et évaluent directement si le vaccin prévient la maladie cible. Dans le cadre de la recherche de vaccins contre le Covid-19, les essais cliniques de phase 3 incluent un nombre encore plus important de personnes (jusqu’à 60.000 personnes). Elles incluent par ailleurs autant que possible des personnes âgées (environ un quart des participants), qui représentent un des groupes cibles les plus importants de cette vaccination, ainsi que d’autres groupes à risque accru d’une évolution sévère du Covid-19 (patients aux antécédents cardiaques ou pulmonaires, patients diabétiques ou patients obèses). Les patients reçoivent soit le vaccin candidat soit un placebo ou un comparateur (vaccin contrôle).
- Pour les vaccins contre le Covid-19, le principal critère d’évaluation dans les essais de phase 3 est l’efficacité contre les cas symptomatiques de Covid-19, toute sévérité confondue, confirmés par test de laboratoire. L’analyse principale de l’efficacité est limitée aux participants à l’étude pour qui une exposition au virus avant la vaccination est peu probable (sujets séronégatifs).
- Des analyses complémentaires de l’efficacité devraient inclure une estimation de la protection contre la forme symptomatique de la maladie que les participants aient été ou non exposés au virus (séropositifs ou séronégatifs) avant la vaccination.
L’évaluation de l’efficacité du vaccin dépend du taux d’incidence (qui correspond au nombre de personnes infectées sur une période donnée), dans les communautés habitées par les sujets de l’étude. Si le taux d’incidence de la maladie est élevé, il peut être possible d’évaluer l’efficacité en plusieurs semaines, comme cela semble être le cas pour les vaccins en phase 3 actuellement testés.
Et ensuite ?
Pour introduire une demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) d’un vaccin contre le Covid-19, il faut au moins un essai d’efficacité de phase 3 à grande échelle, qui suit les recommandations d’agences réglementaires internationales (l’Agence Européenne des Médicaments (EMA) pour l’Europe et la Food and Drug Administration (FDA) américaine, pour les États-Unis).
Les protocoles des essais cliniques sont disponibles sur des sites internet spécifiques. Le CHMP (Committee for Medicinal Products for Human Use – comité pour les médicaments à usage humain) de l’EMA effectue une évaluation rigoureuse de l’ensemble des données de qualité, efficacité, et sécurité ainsi que d’un plan de gestion de risques détaillé à mettre en place après l’autorisation.
Si le rapport bénéfice/risque du vaccin est jugé favorable, ainsi que les données de qualité et le plan de gestion de risque (qui regroupe les études complémentaires de sécurité des vaccins post-autorisation), le CHMP émet une opinion favorable soumise à la Commission européenne pour autorisation, ou AMM (autorisation de mise sur le marché), valable dans l’ensemble des pays de l’Union Européenne. En cas d’urgence de santé publique, une AMM conditionnelle peut être accordée à un médicament ou à un vaccin. Cela peut se faire si la mise à disposition immédiate présente des avantages supérieurs au risque lié au fait que les données sont moins complètes qu’habituellement. C’est le cas pour les quatre vaccins contre le Covid-19 autorisés en Europe à ce jour.
Dans de tels cas, le titulaire de l’AMM s’engage à fournir des informations supplémentaires selon un calendrier défini afin de confirmer que la balance bénéfice / risque du vaccin reste positive.
Après l’autorisation de mise sur le marché, l’efficacité du vaccin à long terme continuera également à être étudiée dans les essais cliniques post-autorisation et ce généralement pour une durée minimum d’un an.
Poursuite de la phase 3 et démarrage de la phase 4
Comme pour tous les médicaments, l’entièreté des données ne peut pas être rassemblée lors des essais cliniques. Certains groupes sont exclus des essais cliniques (les femmes enceintes, par exemple). Par ailleurs, l’hétérogénéité des groupes à risque ne permet pas que tous les cas de figure (combinaison de risques, maladies rares, etc.) soient représentés lors des essais cliniques. L’efficacité du vaccin ainsi que sa sécurité continueront d’être testées "dans la vie réelle" une fois le vaccin autorisé. Une fois encore, il s’agit d’un principe général pour tous les médicaments et pas uniquement les vaccins.
Ces essais cliniques post-autorisation (phase 4) impliquent des centaines de milliers de sujets. Une attention particulière sera apportée au suivi des événements indésirables rares ou retardés, qui, comme pour tout médicament mis sur le marché, sont souvent impossibles à identifier en essai clinique en raison de leur faible fréquence.
Le processus de développement et d’approbation des vaccins contre le Covid-19 a suivi ces principes. Aucune étape importante n’a été négligée lors de l’évaluation. Ces vaccins doivent répondre aux mêmes exigences que tous les autres vaccins. Ce n’est que lorsqu’il existe des preuves suffisantes de la qualité, l’efficacité et la sécurité d’un vaccin qu’un avis positif est donné pour son AMM.
Un processus accéléré en raison de l’urgence sanitaire
En raison de la situation urgente de la pandémie, la priorité a été donnée au développement des vaccins contre le Covid-19 au niveau mondial. En temps normal, les étapes du développement d’un vaccin (qualité pharmaceutique, essais précliniques, essais cliniques, évaluation et autorisation, production et mise sur le marché) sont menées de manière successive. Compte tenu de l’importance de la lutte contre le Covid-19, plusieurs étapes sont actuellement effectuées en même temps, ce qui permet de développer un vaccin plus rapidement.
Par ailleurs, pour les dossiers Covid-19, toutes les données ne doivent pas être fournies dès le début de la demande d’autorisation. Les entreprises pharmaceutiques peuvent fournir les résultats dès qu’ils sont disponibles, en cours d’évaluation de la demande d’autorisation par les autorités compétentes. Il n’est donc pas nécessaire d’attendre que tous les résultats de chaque phase soient connus. Les parties du dossier qui sont déjà prêtes peuvent être évaluées directement. Cette méthode d’évaluation est appelée "révision continue" (rolling review, en anglais). L’évaluation finale peut ainsi se faire plus rapidement.