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Les enfants en manque d’oxygène à cause des masques à l’école ? Voici ce qu’en disent les experts

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Belga
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C’est la nouvelle inquiétude chez les parents : le port du masque entraînerait une baisse de la saturation en oxygène et mettrait en danger les enfants qui doivent en porter à l’école. Cette théorie a été répandue mi-février par l’avocat italien vivant en France Carlo Alberto Brusa, qui a longtemps été connu dans le monde du football avant de changer de casquette lors de la pandémie pour devenir une figure du mouvement anti-vaccin. Il a l’habitude de présenter des lives Facebook dans lesquels il parle souvent de « dictature sanitaire » pour qualifier la période actuelle et il n’a pas hésité à attaquer en justice les sociétés pharmaceutiques Pfizer/BioNTech et Moderna pour, entre autres, « mise en danger délibérée de la vie d’autrui ».

Lors de l’une de ses vidéos dont celle ci-dessus en est un extrait, il propose de démontrer avec un oxymètre que le port du masque entraîne un manque d’oxygène chez les enfants au retour de l’école. Pour cela, il suffit de mesurer le taux de saturation le matin et une nouvelle fois au retour à la maison. Des parents se sont empressés de réaliser ce test chez eux avec leurs enfants. Un oxymètre peut se trouver en pharmacie ou sur internet pour un prix entre 10 et 20 € concernant les modèles basiques et l’exercice semble assez facile à effectuer. Les résultats publiés par de nombreux parents sont sans appel : le taux de saturation en oxygène du sang est à plus de 95 % en début de journée et à bien moins, jusqu’à 80 %, en fin de journée. Il y aurait donc un réel risque d’hypoxie et donc de grand danger.

Néanmoins, parler d’hypoxie dans ce cas n’est pas correct, selon Samuel Vergès, directeur de recherche à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) au sein du laboratoire Hypoxie et physiopathologies de l’université Grenoble-Alpes, interrogé par le site français 20minutes.fr. « On parle d’hypoxie dès lors que l’organisme est privé d’oxygène et qu’il en manque. Les raisons peuvent être variées : l’altitude, quand on se trouve à 1.000 mètres ou plus, le fait d’avoir la tête sous l’eau… Mais aussi dans le cas de certaines maladies respiratoires empêchant les poumons d’absorber de l’oxygène », précise-t-il. « Un masque chirurgical ou en tissu laisse passer l’oxygène. Les équipes soignantes, qui portent des FFP2 durant plusieurs heures, s’en seraient rendu compte, s’il y avait un souci à ce niveau-là. En revanche, si vous vous mettez un sac plastique sur la tête, qui vous empêche d’échanger de l’air frais avec l’extérieur, là, oui, vous allez provoquer une hypoxie. Quand on a du mal à respirer, on en éprouve les sensations très vite car notre corps nous alerte : mal de tête, suffocation… » Et de préciser sur les pourcentages affichés par l’oxymètre. « La valeur normale de saturation du sang en oxygène est d’environ 98 %, et pas 100 %. Lorsque l’on monte à 1.500 ou 2.000 mètres d’altitude, on va être à 95 %, et à 2.600 ou 3.000 mètres, on est encore en dessous de ce pourcentage. On est donc en condition d’hypoxie mais on ne tombe pas malade pour autant. »

Dans une expérience menée par la RTBF en septembre 2020 afin de déterminer si le port du masque entraînait un manque d’oxygène dans le sang, le docteur Laurent Mersch-Mersch prouvait qu’aucun souci n’était à signaler après avoir utilisé un oxymètre. « La saturation est à 98 malgré le fait que je porte un masque depuis plus de cinq heures, la saturation ne change absolument pas. Donc le fait d’avoir un masque ou pas ne change absolument rien à la quantité d’oxygène que vous avez dans le sang… », rassurait-il. « Que ce soit avec un masque chirurgical, un masque FFP2 ou un masque en tissu, il n’y a absolument aucun changement de la saturation en oxygène dans le sang et le fait de retirer son masque n’augmente pas non plus la saturation. Même si on porte le masque toute une journée, vous comprenez bien, depuis des décennies des chirurgiens, des soignants, portent des masques l’entièreté de la journée, il n’y a jamais eu aucun problème. » Même l’OMS assure sur son site que l’utilisation prolongée de masques médicaux ne pose pas de problème d’oxygénation : « L’utilisation prolongée de masques médicaux peut être inconfortable, mais elle n’entraîne ni intoxication au CO2 ni manque d’oxygène. Au moment de porter un masque médical, veillez à ce qu’il soit correctement ajusté et qu’il soit suffisamment serré pour vous permettre de respirer normalement ».

Alors, pourquoi une baisse du taux de saturation ?

Si le port du masque ne pose aucun problème d’oxygénation, alors pourquoi certaines personnes constatent-elles une baisse du taux de saturation avec l’oxymètre chez leurs enfants avant et après l’école ? Cela s’explique par « un double biais : des conditions de test et d’appareil », explique toujours à 20minutes.fr, Samuel Vergès. Concernant les conditions de test, il faut savoir que le doigt utilisé pour l’oxymètre doit être à une température normale. Or, en rentrant de l’école, et d’autant plus en cette saison hivernale, les mains des enfants peuvent vite se refroidir. « Il faut notamment s’assurer de la faire sur une main suffisamment chaude, pour que la circulation sanguine ait bien lieu au bout des doigts : s’ils sont froids, la valeur baisse forcément. Vous pouvez faire des mesures sur un enfant sans masque à la sortie de l’école et trouver un résultat inférieur à 95 %, il est difficile d’en tirer des conclusions. »

Quant au biais lié à l’appareil, il peut s’agir d’une mauvaise utilisation par une personne non initiée qui placerait mal l’oxymètre ou bien un souci lié au modèle de l’appareil lui-même. « Cette mesure doit être faite dans des conditions standardisées et par un professionnel de santé. Pour les meilleurs modèles d’oxymètre, on est sur une précision à 2 % près environ. Mais sur les autres, ça peut tourner entre 3 et 4 % donc on est dans une zone grise », conclut le professeur français.

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