Qui est vraiment «QAnon», ce groupe conspirationniste et pro-Trump, dans le viseur de Twitter ?

WEB Né sur 4Chan fin 2017, le mouvement conspirationniste suscite l'inquiétude de Twitter qui vient de supprimer les comptes de 7.000 de ses membres

Philippe Berry

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Un supporteur de Donald Trump portant un t-shirt Qanon, le 31 juillet 2018 à Tampa, en Floride.
Un supporteur de Donald Trump portant un t-shirt Qanon, le 31 juillet 2018 à Tampa, en Floride. — Chris O'Meara/AP/SIPA

[Edit 23 Juillet 2020, 11h] : Twitter a annoncé, mardi, avoir supprimé plus de 7.000 comptes liés à la mouvance « QAnon », une nébuleuse pro-Trump véhiculant des théories du complot. A cette occasion, nous republions l’article que notre correspondant aux Etats-Unis consacrait à ce sujet en août 2018.

Au milieu des pancartes classiques « Make America Great Again » et « CNN sucks », on a aperçu quelques inscriptions mystérieuses lors des récents meetings du président américain, notamment celui en Floride, mardi. Les pancartes et les t-shirts « QAnon », « We are Q », ou simplement « Q », ne font pas référence au personnage de James Bond mais à un groupe d’internautes anonymes pro-Trump qui surfent sur des théories du complot farfelues. Descente au tréfonds du Web.

Une mouvance née sur 4Chan en octobre 2017

Cette mouvance a émergé sur 4Chan le 29 octobre 2017. Dans la section/pol/, un internaute se présente sous le nom « Q Clearance Patriot », une référence au niveau de sécurité « Q » qui permet à un employé du gouvernement américain d’accéder à des informations top-secret. Il publie une série de messages cryptiques affirmant, pour résumer, que Donald Trump va, avec le soutien des militaires, sauver l’Amérique du « Deep state », ces forces politiques et financières qui, selon lui, contrôleraient l’Amérique depuis des dizaines d’années.

« The Storm » is coming

Q prédit notamment l’arrivée d’une grande « tempête ». Il fait référence au fameux « C’est peut-être le calme avant la tempête » lâché par Trump deux semaines plus tôt lors d’une conférence de presse. « Quelle tempête ? », avait demandé un journaliste. « Vous verrez bien » avait répondu le président américain avec un sourire, sans qu’on sache vraiment à quoi il faisait référence.

Cette tempête purgerait Washington des élites corrompues, notamment par l’emprisonnement d’Hillary Clinton et d’un cercle de « pédophiles satanistes » hollywoodiens, – un fantasme qui fait écho à la théorie du complot du « pizzagate » maintes fois démystifiée. L’élément le plus surprenant de l’histoire, c’est que le procureur Robert Mueller est présenté comme un agent qui n’enquêterait pas sur Trump mais sur Clinton et les démocrates.

Passage vers le mainstream

En ligne, la communauté tente de déchiffrer chaque message du fameux Q. Les membres sont notamment persuadés que ce dernier est un proche de Trump, qui se trouvait à bord d’Air Force One avec le président américain lors de son déplacement en Asie.

En un peu moins d’un an, la communauté a grandi, passant de quelques centaines de membres de 4Chan et de 8Chan à plusieurs dizaines de milliers de personnes très actives sur YouTube et surtout sur Reddit. Leurs publications ont attiré la curiosité de quelques stars pro-Trump comme l’actrice Roseanne Barr et l’ancien joueur de baseball Curt Schilling. Et ces dernières semaines, QAnon a fait son apparition dans les meetings de Donald Trump, avec des supporteurs multipliant les références au groupe, notamment avec son slogan « Where we go one, we go all » piqué à Lame de fond, un film de Ridley Scott de 1996, souvent abrégé par QAnon par l’acronyme « WWG1WGA ».

Face au buzz, les journalistes américains ont interrogé la porte-parole de la Maison Blanche. Sarah Sanders a esquivé, expliquant que le président américain « condamnait tout groupe incitant à la violence » – QAnon a notamment pris pour cible Michael Avenatti, l’avocat de la pornstar Stormy Daniels, en publiant l’adresse de son bureau californien. QAnon n’a sans doute pas fini de faire parler de lui.